Cancer : pour mettre le chirurgien sur la bonne voie

Le gliome est un type de tumeur cérébrale particulièrement dangereux car il a tendance à s’étendre dans le cerveau. Son traitement repose essentiellement sur une intervention chirurgicale lorsque la tumeur est opérable. Une équipe du laboratoire Imagerie et modélisation en neurobiologie et cancérologie vient de mettre au point une sonde qui va permettre au chirurgien d’identifier en temps réel les tissus lésés et qui va le guider tout au long de son intervention.

L’un des enjeux thérapeutiques actuel, dans le traitement des gliomes, est de réaliser un curage (ou exérèse) tumoral le plus complet possible. En l’absence de repères anatomiques, cette exérèse est souvent rendue difficile par l’infiltration des zones cérébrales adjacentes situées en périphérie de la région tumorale principale. En pratique, et malgré les différentes méthodes mises progressivement à la disposition du praticien pour optimiser l’étendue de l’ablation tout en minimisant les risques fonctionnels (imagerie par résonance magnétique, microscope robotisé ou électrostimulation), les contrôles post-opératoires mettent fréquemment en évidence des masses tumorales résiduelles. L’objectif du projet TRIOP (TumorResectionIntra-operative Probe) est justement de développer un nouveau système de détection miniaturisé pour guider la chirurgie des tumeurs cérébrales. Le projet TRIOP est un projet pluridisciplinaire développé en collaboration avec l’Hôpital Henri Mondor, l’Hôpital Saint-Anne, l’unité INSERM 757 et le centre MIRCEN (DSV/I2BM).

Deux méthodes valent mieux qu’une

L’originalité de notre sonde repose sur deux caractéristiques. Le détecteur peut tout d’abord être couplé directement à l’outil exérèse. Il est ainsi possible de réaliser en un seul geste la localisation et l’ablation des régions tumorales. La seconde originalité est liée à la capacité de la sonde à détecter simultanément des traceurs tumoraux radioactifs et la fluorescence tissulaire endogène (autofluorescence). Cette association devrait permettre de renforcer la spécificité de la détection des tumeurs en tirant profit de la complémentarité des informations fournies par les deux méthodes. Les traceurs radioactifs utilisés aujourd’hui pour détecter les tumeurs cérébrales utilisent généralement des émetteurs de positons et sont sensibles aux anomalies métaboliques ou moléculaires de ces lésions. Les techniques d’autofluorescence s’appuient sur les propriétés de fluorescence spécifique à chaque tissu biologique. Le nombre et les propriétés des fluorophores endogènes (coenzymes, flavines, porphyrines, collagène…) sont liés à la composition biochimique et surtout à l’organisation histologique des tissus et sont donc altérés en cas de processus pathologiques, comme une mutation tumorale. Les tissus cancéreux peuvent ainsi être identifiés en comparant l’intensité, la distribution spectrale ou le temps de vie de leur fluorescence à celle d’un tissu sain.

Des résultats prometteurs

Le premier prototype (figure ci-contre) de la configuration radio-isotopique de la sonde a été développé sur la base de fibres optiques claires et scintillantes. Son évaluation expérimentale a montré qu’il était capable d’identifier avec une précision de l’ordre du millimètredes résidus tumoraux radiomarqués inférieurs à 5 mm de diamètre et 1 mm d’épaisseur (20 mg) pour des rapports de fixation du traceur tumeur/tissus sains supérieurs à 3. Ce rapport est aujourd’hui atteint avec des traceurs comme le 18F-FET ou le 18F-FLT dont l’accumulation dans les tissus reflète le niveau de synthèse protéique de la tumeur ou l’activité enzymatique dans les cellules en prolifération. Ces premiers résultats démontrent que la sensibilité de la sonde est très supérieure à celle des systèmes d’imagerie nucléaire externes comme la tomographie par émission de positon qui est généralement limitée à la détection de lésions supérieures à 8 mm de diamètre (300 mg).

Le développement de la partie fluorescente de la sonde TRIOP est également en cours. Sa mise au point impose en particulier la définition d’une signature fluorescente spécifique des tissus tumoraux afin de pouvoir les discriminer efficacement. La caractérisation de cette fluorescence endogène a été entreprise sur un modèle animal de tumeurs cérébrales (cellule gliale tumorale C6 implantée dans le cerveau de rat). Une première analyse ex vivo des coupes tissulaires issues de ce modèle a permis de mettre en évidence une signature spectrale des tissus tumoraux différente de celle des tissus sains. Une grande différence au niveau de l’intensité de la lumière de fluorescence détectée a notamment pu être mise en évidence (figure ci-dessous ). Les fluorophores principalement impliqués dans cette réponse sont les Flavines, les Lipopigments et les Porphyrines.

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Spectres d’autofluorescence exvivo mesurés sur un tissu cérébral sain et cancéreux(rat)

Les prochaines étapes du projet concernent l’évaluation de l’intérêt de la sonde radio-isotopique pour la chirurgie des gliomes (modèle animal et protocole clinique). Les mesures ex vivo de la fluorescence seront complétées par une validation in vivo de notre approche dans un cerveau de rat puis sur des tissus humains. L’ultime objectif sera d’associer au sein d’un même instrument la mesure simultanée de la concentration de traceurs radioactifs et de l’autofluorescence tissulaire. L’évolution technologique du détecteur est également à l’étude afin de préparer son transfert industriel et d’étendre son spectre d’application (évaluation de la technologie semi-conducteur et association de la sonde avec un système de navigation).

Laurent Ménard

Contact

Laurent MENARD
Laboratoire Imagerie et Modélisation en Neurobiologie et Cancérologie
UMR 8165 – CNRS –
Université Paris-Sud 11
Tél : 01 69 15 44 67
Fax : 01 69 15 71 96
laurent.menard@u-psud.fr

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