2025, Odyssée de l’espace

Détecter une planète à côté de son étoile est un défi aussi redoutable que voir un ver luisant à côté d’un phare de marine de Marseille alors qu’on se trouve à Paris ! La mission Darwin, à laquelle participe l’IAS, va tenter de le relever. En outre, en analysant la lumière planétaire en quête d’indices de vie  (biosignatures), cette mission franchira une première étape dans la recherche de vie extraterrestre, objet de l’exobiologie.

Flottille de télescopes de la mission Darwin. Les méthodes de détection actuellement mises en oeuvre pour la recherche d’exoplanètes, sont des méthodes dites indirectes qui ne permettent pas de "voir" directement la planète détectée, et encore moins d’en faire une analyse spectroscopique, capable de nous renseigner à distance sur la composition superficielle de ces objets. Le concept DARWIN est celui d’un instrument capable de séparer les flux lumineux d’une planète et de son étoile centrale pour permettre cette analyse spectroscopique. C’est l’un des seuls instruments envisageables dans les prochaines années, qui soit capable de détecter la présence, dans les atmosphères planétaires, de dioxyde de carbone (CO2), caractéristique des planètes telluriques (petites planètes rocheuses du Système Solaire, telles Mercure, Venus, la Terre, Mars, la Lune...), d’eau (H2O), d’ozone (O3) et donc d’oxygène (O2).

«D’autres mondes, avec des plantes et d’autres êtres vivants, les uns analogues aux nôtres, les autres différents, doivent exister». Dès le IIIe siècle avant J.-C., le penseur grec Epicure avait formulé cette hypothèse hardie ; mais il aura fallu attendre le XXIe siècle pour pouvoir la tester, dans le système solaire ou en-dehors de celui-ci. Les chances d’aboutir dans cette quête de vie extraterrestre dépendent de la fréquence du phénomène de la vie. Comptons d’abord les étoiles. Dans la Voie Lactée brillent environ 300 milliards d’étoiles ; et l’univers contient des dizaines de milliards de galaxies ! Comptons ensuite les exoplanètes – planètes situées en dehors du système solaire. Beaucoup d’étoiles ressemblent à notre Soleil et peuvent donc être accompagnées d’exoplanètes. Plus de 450 ont déjà été observées, essentiellement des géantes gazeuses –plus faciles à détecter– et quelques petites planètes, dont une seule prouvée être de type terrestre (COROT-7b) (encadré). Notre compréhension actuelle de la formation planétaire prédit que la formation de petites planètes telluriques est un phénomène fréquent, or elles sont plus favorables à la vie. Combien sont habitables? Les planètes gazeuses et les planètes rocheuses trop proches de leur étoile sont hostiles. Finalement, on s’attend à une planète habitable pour trois étoiles –soit 100 milliards dans la Voie Lactée. Cependant, impossible de prévoir combien sont effectivement habitées! Car on ignore si la vie apparaît facilement, même quand les conditions favorables sont réunies. Pour le savoir, il faudrait disposer d’un échantillon suffisant de planètes test. Sur cent planètes étudiées, si aucune n’abrite la vie, alors celle-ci est un phénomène rare; sur mille planètes, très rare.

Comment déceler à distance la présence de vie ?

Si l’homme s’est déjà rendu sur la Lune, si des sondes se sont posées sur Mars ou Titan, il est en revanche impossible d’aller visiter les exoplanètes, trop lointaines. Il faut donc trouver des indices de vie observables à distance. Les exobiologistes considèrent que la chimie du carbone, atome qui engage quatre liaisons chimiques avec des éléments divers est la plus favorable pour construire les polymères du vivant et stocker l’information (tels les protéines et acides nucléiques des êtres vivants sur Terre) ; et l’eau constitue à leurs yeux le meilleur solvant car elle dissout des espèces chimiques variées. Les exobiologistes cherchent alors des «biosignatures»: phénomènes que seule une activité biologique permet d’expliquer. L’espoir réside dans la détection de certains gaz dans les atmosphères des exoplanètes : en effet, on sait que l’activité de photosynthèse des végétaux, véritables «usine à gaz», consomme du dioxyde de carbone (caractéristique des planètes telluriques) et de l’eau pour rejeter du dioxygène. La présence de ces gaz forme donc un indice favorable,et le dioxygène, lui, constitue une biosignature. Ce dernier est accompagné de trioxygène (ozone) plus facilement détectable. Ces trois gaz (CO2, H2O et O3) peuvent être repérés en analysant le spectre de la lumière renvoyée par les exoplanètes candidates : en effet, ils absorbent certaines longueurs d’onde infra-rouges caractéristiques.

Le projet Darwin

Placer au-delà de la Lune, au point de Lagrange n°2 où la gravitation est constante, une flottille de télescopes (figure) qui sera capable de «voir» la lumière d’une planète à proximité de l’éclat éblouissant de son étoile : tel est le but du projet Darwin. La difficulté réside dans la petite taille de la planète et dans le contraste énorme entre la luminosité stellaire et la luminosité planétaire : un rapport de 7 millions, dans la région infrarouge où l’ozone est recherché! Un télescope au miroir de 100 mètres de diamètre serait nécessaire : impossible à fabriquer et à envoyer dans l’espace! Astuce du projet  : 5 télescopes séparés de 100 mètres, situés sur des vaisseaux spatiaux indépendants, dont les images seraient traitées par interférométrie (cette méthode permet d’«éteindre» la lumière reçue de l’étoile et d’extraire celle de la planète). Deux cent étoiles seraient ainsi étudiées. S’il est accepté par l’Agence Spatiale Européenne, le projet Darwin aboutira vers 2025.

Parmi les 4 planètes telluriques du système solaire (Mercure, Venus, la Terre et Mars), les trois dernières possèdent une atmosphère. Ce sont les types de spectres que les astrophysiciens recherchent. © ESA 2001. ILLUSTRATION BY MEDIALAB

Un potentiel immense de biodiversité

Si l’univers compte 1 000 milliards de planètes habitables, la diversité des formes de vie doit être immense! Que pouvons- nous en connaître?

La biodiversité moléculaire, d’abord – diversité des molécules supports du vivant. Ainsi, les météorites renferment quantité d’acides aminés, certains inutilisés sur Terre, d’autres possédant une symétrie inversée par rapport aux acides aminés biologiques. Mais il est déjà difficile de rechercher des «fossiles moléculaires» sur Mars; a fortiori à distance sur des exoplanètes. Seule la diversité des fonctions biologiques est observable, comme la production d’énergie des êtres vivants: photosynthèse, réduction des molécules soufrées. À la recherche de la vie extra-terrestre, le chemin reste long! Le satellite COROT vient de découvrir la première planète tellurique (deux fois la Terre) mais hostile à la vie car trop proche de son étoile. La mission DARWIN permettra d’analyser à distance l’atmosphère des exoplanètes qui auront été répertoriées par COROT ou par d’autres programmes, grâce au spectre de leur lumière. Ces analyses contribueront à déterminer si elles sont habitables (présence d’eau), voire habitées (biosignatures). De quoi répondre à question fondamentale : la Vie est-elle une exclusivité terrestre? Et plus généralement: quelle est la probabilité d’apparition de la Vie dans l’Univers ?

Le satellite CoRot
Développé par le CNES avec une importante participation de laboratoires français, CoRoT (pour COnvection, ROtation et Transits planétaires) est un télescope spatial dédié à l’étude de la structure interne des étoiles et à la recherche d’exoplanètes. Lancé le 27 décembre 2006, il permet de détecter des exoplanètes par l’observation des micro-éclipses périodiques que ces planètes provoquent en passant devant leur étoile mère. Le 14 Juin 2010, l’équipe scientifique a annoncé la découverte de 7 nouvelles exoplanètes dont une naine brune, ce qui porte à 15 le nombre d’exoplanètes découvertes.

Contact

Alain Léger
UFR SCIENCES
IAS (Institut d’Astrophysique Spatiale)
Email : alain.leger@ias.u-psud.fr
Tel : 01 69 85 85 80

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