Formation du système solaire: un caprice de star ?
Il y a 4,6 milliards d’années, un grand nuage contenant des poussières et du gaz s’effondre sur lui-même donnant naissance à notre système solaire. Si les grands principes régissant la formation des étoiles de masse comparable au Soleil semblent aujourd’hui compris, de nombreux points restent encore à élucider.
En s’intéressant à la présence passée d’un élément chimique radioactif, l’aluminium 26, dans des météorites primitives, une équipe de l’Université Paris-Sud vient de livrer un nouveau scénario pour la genèse de notre système solaire.
Les étoiles naissent à l’intérieur d’immenses nuages froids de gaz et de poussières. Ces pouponnières se contractent sous l’effet de leur champ gravitationnel, après une perturbation causée par exemple par l’explosion d’une supernova, une étoile en fin de vie. La matière s’agrège alors pour former des cœurs denses qui vont être le siège de réactions de fusion nucléaire, premiers pas vers la formation de dizaines de toutes jeunes étoiles regroupées en amas  stellaires. Communément admis par la communauté scientifique, ce scénario pourrait bien ne pas s’appliquer à notre astre solaire. Dans un article publié dans la revue Astrophysical Journal Letters, des chercheurs du CSNSM et de l’IPNO viennent en effet de proposer un modèle inédit selon lequel notre Soleil serait né au sein d’une pouponnière très particulière. C’est une étoile fugueuse qui en serait la génitrice.
Précieux témoins
Pour arriver à cette hypothèse inédite, les scientifiques se sont appuyés sur de récentes analyses* de météorites primitives, qui ont précisé le contenu en aluminium 26 radioactif du système solaire au moment de sa formation, il y a 4,6 milliards d’années. L’aluminium 26 se désintègre en magnésium 26 avec un temps de demi-vie, c’est-à -dire le temps nécessaire à la disparition de la moitié des isotopes radioactifs présents au départ, de 720 000 ans, ce qui est relativement court à l’échelle astrophysique de formation des étoiles. L’aluminium 26 a donc été nécessairement produit peu de temps avant ou pendant la formation du soleil. Plusieurs hypothèses ont déjà été formulées pour expliquer cette nucléosynthèse de dernière minute. Sans succès jusqu’à présent car aucune n’arrivait à fournir une explication satisfaisante à cette contradiction apparente : comment un élément synthétisé dans une étoile puis expulsé dans une phase très chaude du milieu interstellaire peut-il avoir été rapidement incorporé dans un nuage de gaz qui devait forcément être froid pour pouvoir se contracter et donner naissance au futur système solaire ?
Une étoile fugueuse
Pour résoudre ce problème, les chercheurs du CSNSM et de l’IPNO ont proposé un scénario alternatif où la naissance du système solaire aurait été provoquée par l’activité d’une étoile massive solitaire. Celle-ci serait du type «Wolf-Rayet», une sorte rare d’étoile massive très chaude, expulsant violemment une grande partie de sa matière dans l’espace avant de mourir. Cette dernière se serait échappée de son amas d’origine et de la bulle de gaz chaud associée à la suite d’interactions gravitationnelles avec d’autres étoiles de l’amas ou de l’explosion d’une supernova. La propagation de l’astre fugueur dans le milieu interstellaire aurait généré une couche de gaz relativement dense résultant du mélange des vents de l’étoile avec de la matière interstellaire (figure). L’explosion finale de l’étoile Wolf-Rayet en supernova aurait alors engendré une onde de choc déclenchant la formation de nouvelles étoiles – dont le Soleil – au sein de cette couche de matière enrichie en aluminium26. La teneur de ce radionucléide calculée dans ce modèle rend bien compte des données météoritiques observées.
Modèle unique déposé
Ce modèle a une implication majeure : le système solaire aurait connu une gestation très particulière, de sorte que la majorité des autres systèmes planétaires de notre galaxie n’a vraisemblablement pas été contaminée en aluminium26. La radioactivité de cet isotope étant considérée comme une source de chaleur importante des planétoïdes primitifs, il est possible que les planètes du système solaire se soient formées de façon sensiblement différente de la plupart des exoplanètes.
*Ces analyses ont été menées au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS/Université Nancy-I/INPL Nancy)
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