Enfin ils peuvent respirer !

C’est une première mondiale qui a été réalisée par une équipe conduite par le Professeur Dartevelle¹du Centre Chirurgical Marie-Lannelongue avec le Docteur Kolb de l’Institut Gustave Roussy. Les chirurgiens ont réussi à réaliser une greffe de trachée sur plusieurs patients atteints de cancers, à partir de leurs propres tissus. Cette nouvelle apporte un réel espoir pour de nombreuses personnes jusqu’à présent condamnées.

Image obtenue par scanner de la trachée une fois greffée. © Centre chirurgical Marie-Lannelongue

La trachée est un conduit fragile, indispensable aux échanges gazeux, à la respiration. Il peut être envahi par des tumeurs cancéreuses, déformé par les intubations lors de réanimations ou d’anesthésies, ou le siège de redoutables fistules entre la trachée et l’oesophage. La nature l’a armé d’anneaux cartilagineux rigides, que tapissent les épithéliums respiratoires avec leurs cils évacuant les poussières et le mucus. C’est cette rigidité naturelle qui le maintient ouvert lors de l’inspiration et de l’expiration. Et jusqu’à présent aucune des tentatives de remplacement par des tubes en divers matériaux n’avaient eu de succès. Alors que pour les patients dont la trachée était envahie (voire complètement obstruée) par un cancer, le décès à court terme était la seule issue ; cette technique va représenter un espoir raisonnable.

Une solution pour remplacer la trachée

© Centre Chirurgical Marie-Lannelongue

La greffe de trachée pratiquée par les Pr Dartevelle et Kolb a consisté à remplacer la trachée détruite ou obstruée par un nouveau tube identique reconstruit avec les propres tissus du patient pour éviter le rejet (d’où le terme de « greffe autologue »). Un greffon a été fabriqué avec un morceau de peau prélevé sur le malade, « armé » avec des morceaux de cartilage prélevés sur ses côtes. Il s’agit d’une technique utilisée couramment en chirurgie réparatrice pour refaire des morceaux de nez. Ce morceau de peau avec son armature est ensuite courbé et suturé pour en faire un tube de remplacement parfaitement vascularisé et présentant à sa face intérieure un « épithélium » (la peau du patient) pour le protéger, comme il le fait naturellement de l’agression extérieure des microbes présents dans l’air.

Cinq patients en rémission totale

Cette technique originale a été mise au point progressivement depuis 2004. L’équipe a attendu plusieurs années et des résultats encourageants pour la rendre publique. Ce sont donc en tout sept patients qui en ont déjà bénéficié. Cinq d’entre eux sont vivants avec des reculs de 6, 4, 3, 1 an et 4 mois, ont des « prothèses » viables et mènent une vie normale (sauf un qui doit faire l’objet d’une dernière intervention chirurgicale pour parfaire le résultat.) Deux patients qui ne pouvaient plus se nourrir avant l’intervention parce que leur œsophage communiquait avec la trachée et qu’un cancer de la thyroïde envahissait massivement cet oesophage, ont repris une alimentation normale par la bouche.

Des limites à repousser

Aujourd’hui un dernier obstacle perdure : l’absence de « cils » qui tapissent la trachée. Or ces cils jouent un rôle essentiel car ils permettent de faire remonter du mucus dans la gorge de manière à débarrasser la trachée des impuretés. Cette déficience explique les infections mortelles développées chez les deux autres patients. Ces deux échecs ne sont pas liés directement à la technique car les greffons sont restés viables et fonctionnels jusqu’au décès des patients par infection respiratoire. L’absence d’épuration sur les bronches est probablement la cause d’un encombrement bronchique excessif qui a généré l’infection irréversible. Des travaux menés au laboratoire de chirurgie expérimentale devraient permettre de résoudre cette imperfection en substituant à l’épithélium de la peau utilisé jusqu’à présent, un épithélium doté de cils provenant d’une culture de l’épithélium du nez et du pharynx.

Une rencontre

Cette prouesse chirurgicale tient à la rencontre de la chirurgie plastique et de la chirurgie thoracique. Le Professeur Philippe Dartevelle – Chef du Département de Chirurgie Thoracique, vasculaire et de transplantation Cardiopulmonaire au Centre Chirurgical Marie- Lannelongue, Professeur de chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire à l’Université Paris-Sud est connu comme un des pionniers de la chirurgie de greffe pulmonaire et comme « l’inventeur » de l’endartériectomie pulmonaire. Pour cette série qui constitue une première, il était associé au Docteur Frédéric Kolb qui est Chef du Service de Chirurgie Plastique et Reconstructrice (Département de chirurgie cervicofaciale) à l’Institut de cancérologie Gustave Roussy à Villejuif.

¹ Philippe Dartevelle est Professeur de chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire à l’université Paris-sud et Chef du Département de Chirurgie Thoracique &Vasculaire et Transplantation Cardio-Pulmonaire au Centre Chirurgical Marie-Lannelongue

Contact
Philippe Dartevelle
FACULTÉ DE MÉDECINE
Centre Chirurgical Marie-Lannelongue
Tél. : 01 45 37 47 76
philippe.dartevelle@u-psud.fr


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