Hommage à Gérard Charbonneau

Gérard Charbonneau, directeur de notre rédaction s’est éteint le 18 septembre dernier. Nous avons souhaité lui rendre hommage en donnant la parole aux personnes qui l’ont côtoyé tout au long de son parcours d’une extrême richesse. Mélomane, chercheur, enseignant, impliqué dans la vie de l’Université à de nombreux titres, Gérard nous manque.

© M.LECOMPT

En 1997, Gérard Charbonneau était appelé à la Présidence de l’université comme Vice-Président chargé de la culture. J’étais alors Vice-Président du CEVU, avant d’être Vice-Président du CA. En 2008, lorsque j’ai été élu Président, j’ai proposé à Gérard Charbonneau de poursuivre ses missions dans la nouvelle équipe présidentielle. Il est resté en activité au plus haut niveau jusqu’à ses derniers jours en faisant preuve d’un investissement considérable, sur des champs de compétence très larges tenant à sa grande connaissance de l’université. Brillant pianiste, il était titulaire d’un Prix d’excellence de piano, d’un Premier prix d’Harmonie et d’une Médaille d’Histoire de la musique du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Avec grande intelligence, Gérard Charbonneau a mis cette facette de son talent au service de la science et d’un engagement au profit de la culture à l’université. Gérard Charbonneau avait créé en 2000, le « Printemps de la Culture », les ateliers culturels pour les étudiants et a impulsé une activité vivante autour de la poésie. Il a dirigé durant plus de 10 ans la Direction de la rédaction du Magazine de l’université, Plein Sud. Par delà son action personnelle, Gérard était un conseiller très proche, doté d’une très grande « intelligence politique », particulièrement attaché au dialogue, à la concertation et à la recherche inlassable des solutions  consensuelles. D’une très grande culture personnelle, au sens le plus riche du terme associant Sciences et « Humanités », Gérard a contribué de façon exceptionnelle à développer dans notre établissement une grande tradition humaniste, consubstantielle à l’université. Avec sa disparition, je perds un collègue précieux, mais je perds d’abord un ami.
Guy Couarraze,
Président de l’Université Paris-Sud

Un esprit élevé, une disponibilité permanente et souriante

J’ai côtoyé Gérard Charbonneau pendant de nombreuses années, puisque nous avons été l’un et l’autre enseignants-chercheurs à l’Université de Paris-Sud et membres du même laboratoire, l’Institut d’Électronique Fondamentale (IEF), que j’ai dirigé de 1994 à 2000. Gérard était à la tête d’une équipe à la thématique originale, portant sur le traitement des signaux acoustiques. Il conciliait ainsi avec élégance sa grande culture musicale et son attachement à sa spécialité scientifique en traitement du signal. Les recherches de son groupe portaient d’une part sur les sons pulmonaires. A partir d’une analyse performante de codage du son, l’équipe de Gérard avait mis en place une technique de synthèse du son très efficace utilisant peu de données et aboutissant à des sons de haute fidélité. Dans le domaine des sons respiratoires, leurs recherches avaient débouché sur l’établissement de méthodes d’analyse standard devant faciliter les études cliniques. Gérard, reconnu comme un expert international du domaine, avait largement contribué à un vaste projet européen, CORSA (Computer respiratorysoundanalysis), sur le sujet. Mais Gérard était aussi un enseignant-chercheur passionné. Directeur de la FIUPSO, il a été également responsable du DESS d’informatique industrielle de 1982 à 2000. J’ai eu là encore l’occasion d’apprécier son sens de l’organisation efficace et des relations humaines attentives dans l’exercice de ses responsabilités. J’ai eu le grand plaisir de retrouver Gérard lorsque j’ai rejoint, en 2009, l’ANR et son Département non-thématique. En effet, les deux programmes « Chaires d’excellence » et « Retour post-doctorants » de l’ANR sont gérés par une unité-support issue de l’Université  de Versailles Saint Quentin et de l’Université Paris Sud. Gérard était responsable scientifique de ces deux programmes au sein de l’unité support et là encore il mettait en  Å“uvre  sans réserve, en dépit de son état de santé préoccupant, ses qualités de rigueur et son engagement pour le bon fonctionnement de ces programmes, qu’il jugeait importants pour l’attractivité scientifique de nos laboratoires. Nous étions préoccupés de voir son état de santé se dégrader, mais cela n’a jamais entamé sa détermination à mener au mieux cette tâche jusqu’au dernier moment. Nous sommes nombreux à avoir eu la chance de côtoyer Gérard et de travailler avec lui. Son sens aigu des missions universitaires, au service de la recherche, de la formation et de la culture, était celui d’un esprit élevé. Sa disponibilité permanente et souriante, son extrême courtoisie et son attention à tous, en faisaient une personnalité très attachante. Nous le regrettons tous et garderons avec émotion son souvenir.
Claire Dupas,
Professeure émérite à l’ENS Cachan,
Conseillère à l’ANR, Directrice de l’IEF
de 1994 à 2000

Un enseignant aussi professionnel que chaleureux

J’ai connu Gérard Charbonneau alors que j’étais tout jeune maître de conférences à l’Université, embauché pour effectuer des enseignements à la Formation d’Ingénieurs de l’Université Paris-Sud Orsay (FIUPSO, maintenant partie de Polytech Paris-Sud), dont Gérard a été à l’origine et qu’il a dirigée. Le professionnalisme, l’attention et la bienveillance dont Gérard a toujours fait preuve ont fait de lui un enseignant aussi apprécié que respecté. Le jour de son dernier cours sur le système Unix, pour lequel j’effectuais avec lui les travaux pratiques, il a déclaré aux étudiants : « Vous pouvez en croire mon expérience, l’attitude qui vous rapportera le plus dans votre vie professionnelle est d’aider les autres ». Sa générosité, sa chaleur humaine, ses conseils avisés, son expérience m’ont été très précieux.
Hu
gues Mounier,
Professeur à Supelec

Un interlocuteur de confiance

Gérard Charbonneau fut la première personne que j’ai rencontrée lors de ma prise de fonction au Centre de Formation des Musiciens Intervenants. Il avait en charge le suivi du Centre et représentait le président dans les conseils et les relations avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles. J’ai encore en mémoire notre premier rendez-vous : nous avons parlé pêle-mêle de culture à l’université, de Bach, de pédagogie musicale, de Beethoven et de son répertoire de prédilection celui du piano et bien sûr de la place du Centre de Formation des Musiciens Intervenants dans cette immense communauté scientifique. A l’issue de cette rencontre je savais que j’aurai un interlocuteur de talent et un soutien pour développer le CFMI. La suite a confirmé mes convictions. Gérard a été un partenaire amical, attentif et toujours à mes côtés : ses idées et suggestions étaient judicieuses et toujours dans l’intérêt général. Je garderai de Gérard l’image d’un homme élégant et talentueux et d’un militant engagé dans la vie universitaire au service d’une formation de qualité. Malgré la maladie et jusque dans les derniers moments nous échangions encore des courriels ; il gardait intact son investissement. Il a lutté avec discrétion et est resté lui-même jusqu’à la fin. Cela a renforcé mon admiration et mon respect. Adieu Gérard.
Yves Testu,
Directeur du CFMI

A l’écoute de chacun pour le bien de tous

Quand je suis arrivée au service culturel en 1997, Gérard venait d’être nommé Vice-Président à la culture. En quelques années, Gérard a su donner un souffle, une signature particulière à l’activité culturelle dans notre université. Si le nombre des pratiques artistiques a augmenté de manière considérable, l’exigence de qualité pour l’enseignement artistique sur laquelle il était intraitable a été un bien inestimable pour notre communauté universitaire. En 2000, il a initié la création d’un festival des arts, le Printemps de la Culture, qui est devenu en 10 ans, un moment incontournable de la vie culturelle, attendu par un public croissant et enthousiaste. Intervenante de l’atelier théâtre, je tiens à souligner le soutien sans faille de Gérard pour les créations de la troupe Cassiopée et la véritable affection que lui vouent les étudiants de la troupe. Passionné par la Renaissance, Gérard était au sens littéral du terme un véritable « humaniste ». Les mots de liberté, de tolérance, d’indépendance, d’ouverture et de curiosité étaient indissociables de son ambition politique. Il m’est difficile de parler de lui, les mots semblent fades, car loin d’être uniquement un responsable indispensable au bon fonctionnement du service, Gérard était devenu un ami et un mentor. J’ai beaucoup appris à ses côtés, tant au niveau professionnel qu’au niveau humain. C’était une personne riche, une personne rare car son extrême intelligence a toujours été le serviteur éclairé de sa gentillesse. Je sais que mes propos sont partagés par les artistes, les étudiants, toutes les personnes qui ont eu la chance de le rencontrer. Alors, au nom de tous, je dis : « merci ».
Annick Buchy,
Responsable du Service Arts et Culture

Brillant pianiste

J’ai connu Gérard Charbonneau presque exclusivement par une relation artistique. Gérard que je ne connaissais pas m’avait invité à le rencontrer pour que l’orchestre du Campus qu’il avait entendu à Paris, s’intègre au printemps de la culture. Acceptant cette proposition, il me demanda à la fin de l’entretien avec une grande humilité, et une attitude timide, s’il serait possible pour lui de jouer en soliste avec nous. Nous avons donné deux séries de concerts. Lors de la dernière en 2005, nous avions deux solistes en alternances, Gérard Charbonneau et une soliste professionnel reconnue. J’ai eu la grande surprise d’avoir bon nombres de musiciens qui ont préféré l’interprétation de l’« amateur » Gérard Charbonneau. Par la suite j’ai toujours eu une émotion particulière à le saluer. Ne pouvant plus jouer de piano, il avait une attention particulière pour l’activité importante de l’orchestre comme pour nos deux tournées en Chine, ou pour le 21 juin ou nous avons joué dans la cour du Ministère invitée par Valérie Pécresse. La dernière fois que je l’ai vu il était dans le grand Amphi je dirigeais Brahms : Le Requiem.
Martin Barral,
Chef de l’Orchestre Symphonique du Campus d’Orsay

L’équilibre de la force et de la sensibilité

Nathalie Goedert, Professeur à la Faculté de Jean Monnet a été chargée de mission à la promotion de la culture auprès de Gérard Charbonneau.

Je ne connaissais pas Gérard Charbonneau, du moins pas autrement qu’une silhouette aux conseils, un visage … un peu rond, une chevelure « frisonnante », une attitude discrète, avant qu’il ne frappe à la porte de mon bureau, à la faculté de Sceaux. Il venait me proposer de le rejoindre, de l’assister au service culturel. Issue d’une composante excentrée, je n’étais pas restée insensible aux affiches du Printemps de la Culture, sans savoir pourtant ce qu’elles présentaient et autant dire que je n’avais aucune idée de la politique culturelle de l’Université. J’ai été étonnée, flattée, mais surtout émue car j’ai senti que Gérard préparait son départ … J’ai accepté l’offre. Durant quelques mois, trop brefs, j’ai eu le plaisir de travailler avec Gérard. J’ai appris auprès de lui que la douceur et la tolérance n’interdisent pas la force de caractère. Ce que ses derniers mois d’activité ont montré. J’ai appris que la souplesse n’empêche pas la rigueur et le professionnalisme. J’ai apprécié l’intelligence alliée à la dignité. J’ai découvert l’ampleur de la générosité mise au service de la conviction que l’art et la beauté ont partout leur place. Homme sensible et délicat, Gérard portait l’action culturelle avec discrétion et pugnacité. Homme de l’ombre, il aimait offrir aux artistes les feux de la rampe pour le bonheur de tous. En quelques mois à peine, notre amitié est devenue solide … pour longtemps, mon admiration lui est acquise.
Nathalie Goedert,
Professeur à la Faculté de Sceaux

Un talent au service de la science

Tarek Moussa est Professeur de mathématiques appliquées à l’Université Lille 3. En 1976, son sujet de recherche l’a amené à collaborer avec Gérard autour de l’analyse et de la reconnaissance du son.

C’était en 1976. Mon directeur de recherches (Paris VI) me suggérait de travailler sur l’analyse et la reconnaissance de la parole continue, un sujet très prometteur à l’époque. Il me conseilla de contacter Gérard Charbonneau qui venait de soutenir sa thèse sur l’analyse et la synthèse de sons musicaux pour lui demander d’utiliser les équipements dont il disposait. C’est peu dire que j’ai été bien accueilli. De cette rencontre était née une longue collaboration scientifique et une solide et précieuse amitié. Gérard s’était intéressé à mon sujet alors qu’initialement le traitement du signal était notre seule préoccupation commune. Preuve s’il en faut de l’étendue de sa culture scientifique (et bien sûr sa culture tout court) et de son vif désir de l’enrichir. C’était une petite équipe et Gérard suivait de près, dirais-je au quotidien, les travaux de chacun. Toujours disponible, présent et discret à la fois, ouvert et efficace. Il était ainsi avec les nombreux thésards qui ont travaillé avec lui. C’est aussi avec efficacité et réussite qu’il s’occupait de l’organisation d’événements scientifiques et d’autres tâches administratives en rapport avec les activités de recherches. L’évolution de nos carrières a fait que notre collaboration scientifique s’était réduite ces dernières années mais nos rapports humains sont restés intacts. Car au-delà de ses excellentes qualités de chercheur, c’est surtout à l’ami aux grandes valeurs morales et humaines connues de tous ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin que je suis resté attaché.
Tarek Moussa,
Professeur

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