Saine lecture

L’apprentissage de la lecture a un impact très important sur l’activité cérébrale. C’est le résultat d’une étude1 coordonnée par Stanislas Dehaene (Collège de France, Unité CEA / Inserm / Université Paris-Sud de Neuroimagerie Cognitive, NeuroSpin/I2BM) et Laurent Cohen (Inserm, AP-HP, Université Pierre et Marie Curie).

Un aperçu des vastes réseaux cérébraux dont l'activité augmente avec le score de lecture, en réponse à des phrases écrites. © CEA

L’écriture est une invention trop récente pour avoir influencé l’évolution génétique humaine. Son apprentissage ne peut donc reposer que sur un « recyclage » de régions cérébrales préexistantes, initialement dédiées à d’autres fonctions mais suffisamment plastiques pour se réorienter vers l’identification des signes écrits et leur mise en liaison avec le langage parlé. C’est dans ce cadre que les chercheurs essaient de mieux comprendre l’impact de l’apprentissage de la lecture sur le cerveau. Pour cela, ils ont mesuré, par IRM fonctionnelle, l’activité cérébrale d’adultes volontaires diversement alphabétisés, dans l’ensemble du cortex, avec une résolution de quelques millimètres, tandis qu’ils leur présentaient toute une batterie de stimuli : phrases parlées et écrites, mots et pseudo-mots parlés, visages, maisons, objets, damiers…63 adultes ont participé à l’étude : 10 personnes analphabètes, 22 personnes non-scolarisées dans l’enfance mais alphabétisées à l’âge adulte, et 31 personnes scolarisées depuis l’enfance. Grâce à ces travaux les chercheurs apportent des éléments de réponse à plusieurs questions essentielles.

La lecture active fortement plusieurs réseaux cérébraux

L’impact de l’alphabétisation semble bien plus étendu que les études précédentes ne le laissaient penser. Apprendre à lire augmente les réponses des aires visuelles du cortex ainsi que les réponses au langage parlé dans le cortex auditif. La lecture induit également une extension des aires du langage et une communication bidirectionnelle entre les réseaux du langage parlé et écrit : chez un bon lecteur, voir une phrase écrite active l’ensemble des aires du langage parlé, entendre un mot parlé permet de réactiver rapidement son code orthographique dans les aires visuelles.

Il n’est jamais trop tard !

Mais alors, à quoi servent les aires cérébrales impliquées dans la lecture avant qu’une personne n’apprenne à lire ? Le cortex visuel se réorganise en fait, en partie, par compétition entre l’activité nouvelle de lecture et des activités plus anciennes de reconnaissance des visages et des objets. Aujourd’hui, on ne sait pas si cette compétition entraîne des conséquences fonctionnelles pour la reconnaissance ou la mémoire des visages. Autre résultat passionnant, les circuits de la lecture restent plastiques tout au long de la vie. À performances de lecture égales, il n’existe pratiquement pas de différences mesurables entre les activations cérébrales des personnes qui ont appris à lire dans l’enfance ou à l’âge adulte. Ces résultats soulignent l’impact massif de l’éducation sur le cerveau humain.

¹ Les résultats de cette étude qui a également impliqué des équipes brésiliennes, portugaises et belges, ont été publiés en ligne le 11 novembre par la revue Science.

Contact
Stanislas Dehaene
Unité de neuroimagerie cognitive
(Inserm/CEA /Université Paris-Sud)
Tél. : 01 69 86 78 48

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