Quelle année supra !

Si 2011 est l’année de célébration du centenaire du prix Nobel de chimie de Marie Curie, c’est aussi celle de la découverte de la supraconductivité. A l’Université Paris-Sud, plus d’une dizaine de laboratoires mènent des travaux peu ou prou liés à ce thème.

Lévitation d'un aimant placé au-dessus d'une pastille de supraconducteur cuprate de type YBaCuO (Yttrium, Baryum, Cuivre, Oxygène) refroidie dans de l'azote liquide à -196°C ©J.BOBROFF, J.QUILLIAM, F.BOUQUET(LPS)

Il y a 100 ans, le 8 avril 1911, le physicien Heike Kammerlingh-Onnes mettait en évidence le phénomène de supraconductivité qui confère à certains matériaux des propriétés inédites : refroidis à très basse température, les supraconducteurs deviennent de parfaits conducteurs électriques et expulsent le champ magnétique qui les traverse, pouvant ainsi induire des effets spectaculaires de lévitation. Depuis un siècle, les supraconducteurs fascinent autant les physiciens pour leurs étonnantes propriétés quantiques que les industriels pour leur capacité à conduire l’électricité sans aucun échauffement. Mais la supraconductivité est loin d’avoir révélé tous ses secrets. C’est un domaine très étudié au laboratoire de physique des solides depuis les travaux pionniers de Pierre-Gilles de Gennes dans les années 60. Mais outre les physiciens du solide, qu’ils soient théoriciens, expérimentateurs, ou utilisateurs, de nombreux chercheurs de l’Université Paris-Sud s’emploient à faire progresser la science dans ce domaine.

Les deux font la paire
La supraconductivité découverte, encore fallait-il l’expliquer. Il a fallut pour cela attendre 1957 pour que trois physiciens américains J. Bardeen, LN. Cooper et J.R. Schrieffer décrivent le mécanisme à l’oeuvre : l’appariement des  électrons par paires, dites paires de Cooper. C’est la théorie BCS pour laquelle ils reçoivent le prix Nobel de physique en 1972. La supraconductivité débouche sur un certain nombre d’applications dans le domaine de l’imagerie médicale, de l’énergie ou du transport. Mais chercheurs et industriels achoppent sur une contrainte de taille : pour exploiter cette propriété, il faut travailler à des températures proches du zéro absolu (soit – 273° C!), conditions qui impliquent des infrastructures lourdes et coûteuses.

A un certain degré, cela ne s’explique pas (encore !)
« Un coup de tonnerre survient en 1986 avec la découverte de nouveaux matériaux, des oxydes de cuivre aussi appelés cuprates qui se révèlent supraconducteurs à des températures moins basses (mais encore autour de – 170° C quand même)» explique Marc Gabay, professeur au Laboratoire de physique des solides (LPS), spécialiste de la supraconductivité des interfaces. Vingt ans plus tard, nouveau coup de théâtre, la famille de ces supraconducteurs à haute température critique s’enrichit d’une nouvelle branche avec les pnictures à base de fer. Tout comme pour les cuprates, et pour la supraconductivité aux interfaces de matériaux oxydes isolants, l’origine de cette supraconductivité et l’explication de la température à laquelle elle apparaît restent encore énigmatiques. C’est là que le rôle des chimistes est primordial. Ainsi à l’Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay (ICMMO) par exemple, l’équipe du Professeur Nita Dragoe est spécialiste de ces composés. En synthétisant des échantillons dont ils font varier les caractéristiques physiques, les chercheurs en modifient les propriétés, espérant ainsi, pas à pas, faire progresser la compréhension du phénomène physique. Si de nombreux efforts se concentrent sur la quête de la supraconductivité à température ambiante, la maîtrise de cette supraconductivité aux échelles nanométriques est un autre axe particulièrement fertile. C’est un des thèmes de recherche de l’équipe d’Hélène Bouchiat du LPS dont les travaux portent sur le transport quantique. Cette équipe a d’ailleurs été la première à montrer que, sous certaines conditions, un faisceau de nanotubes devenait supraconducteur à très basse température. Autre résultat prometteur, ils ont démontré que la supraconductivité pouvait s’étendre à un système non supraconducteur de taille nanométrique et notamment un nanotube de carbone. Cette supraconductivité de « proximité » était connue mais pas à cette échelle, ce qui laisse entrevoir de futures applications aujourd’hui futuristes mais particulièrement prometteuses pour une électronique supraconductrice ou une informatique quantique.

PLUS D’INFOS SUR LE SITE NATIONAL DIDACTIQUE www.supraconductivite.fr
OU ENCORE SUR : www.supra2011.fr

> À QUOI ÇA SERT ?
Observer le fonctionnement des organes en direct grâce à l’IRM.
S’il est un domaine dans lequel la supraconductivité a joué un rôle essentiel, c’est celui de l’imagerie médicale. La technologie de l’IRM, outil de diagnostic et de recherche désormais incontournable, est en effet une retombée directe des
recherches menées sur le sujet. Au laboratoire Imagerie par résonance magnétique médicale et multimodalités (IR4M), les équipes dirigées par Luc Darasse repoussent sans cesse les limites technologiques et mettent au point des machines de plus en plus sophistiquées.

Pas de LHC sans supraconductivité
Les accélérateurs de particules sont utilisés en recherche fondamentale pour comprendre la structure de la matière (physique nucléaire, physique des particules), mais aussi pour des applications allant de la stérilisation à la médecine et la science des matériaux. « La fin des années 60 a vu la naissance d’une nouvelle méthode d’accélération fondée sur des dispositifs appelés «cavités supraconductrices haute fréquence ». « Cette technologie a atteint aujourd’hui une certaine maturité qui ouvre de nouvelles perspectives en recherche fondamentale et incite à de nouvelles applications comme le retraitement des déchets radioactifs issus des centrales nucléaires. » explique Sébastien Bousson de l’Institut de Physique Nucléaire (IPN).

> SUSCITER DES VOCATIONS
La supraconductivité est un des sujets enseignés à la faculté des Sciences de l’Université Paris-Sud notamment dans les cursus Master et Magistère de physique fondamentale d’Orsay, ou encore au cours de la seconde année de Master Concepts Fondamentaux de la Physique. Les pôles universitaires et de recherche comme celui de Paris-Sud permettent ainsi aux enseignants-chercheurs de tirer directement profit de leurs recherches pour concevoir des enseignements originaux de qualité. Les étudiants mènent par exemple des mesures proches de la recherche, comme des expériences de lévitation magnétique, de résistance électrique, sur un cuprate supraconducteur jusqu’à très basse température et dans des champs magnétiques élevés. A l’occasion des 100 ans de la supraconductivité, une forte activité de vulgarisation vis à vis des lycées et du grand public de la région parisienne a également été développée par les enseignants-chercheurs.

Contacts

FACULTÉ DES SCIENCES
Laboratoire de Physique des Solides (LPS)
Frédéric Bouquet
frederic.bouquet@u-psud.fr
Julien Bobroff
julien.bobroff@lps.u-psud.fr

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