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Les chimistes sont appelés à la rescousse pour trouver de nouveaux matériaux moléculaires susceptibles d’accroître les capacités de stockage de nos disques durs.

Tête de disque dur © Mario 52, licence creative commons

La majorité de l’information actuellement stockée dans le monde l’est sur disques durs d’ordinateurs, et la demande ne cesse de croître. L’augmentation des capacités de stockage passe notamment par la miniaturisation des supports  physiques de l’information. Or la technique la plus répandue, le stockage magnétique, approche de sa limite physique car elle repose sur des propriétés collectives des atomes. Pour aller plus loin, il faudrait stocker l’information au niveau d’une molécule isolée. Les chimistes cherchent donc des matériaux moléculaires présentant deux configurations stables telles que l’on puisse à volonté le faire basculer d’une configuration dans l’autre (écriture de l’information) et détecter dans  quelle configuration il se trouve (lecture de l’information). Ces propriétés sont présentes dans des analogues du bleu de Prusse (ABP).

Le bleu de Prusse est un pigment bleu, un solide moléculaire cristallin qui comprend des ions ferreux Fe2+ et des ions ferriques Fe3+, reliés par des ions cyanure. En remplaçant certains atomes de fer par des atomes de cobalt (ou d’autres métaux de transition), on obtient un matériau analogue qui présente deux états d’énergie voisine. L’état fondamental est formé d’ions Co3+ et Fe2+. Moyennant un petit apport d’énergie, un transfert d’électron se produit et le matériau bascule dans un état excité formé d’ions Co2+ et Fe3+. Cet état est métastable à basse température : il se  maintient très longtemps, ce qui le rend apte à stocker de l’information. L’écriture (passage d’un état à l’autre) se fait en éclairant avec de la lumière visible. La lecture est magnétique : l’état fondamental est diamagnétique, l’état excité ferrimagnétique à basse température.

Conformation sous contrôle

Cependant, la synthèse classique en solution aqueuse  de ce composé produit une poudre polycristalline dont les propriétés ne sont pas directement exploitables. Une étape de mise en forme est nécessaire. Pour cela nous réalisons un film par une technique « sol-gel »*. Dans une solution de complexes de cations métalliques, une réaction de polymérisation inorganique (liaisons métaloxygène-métal) «fige» la solution en un gel solide dont on maîtrise parfaitement la conformation à toutes les échelles. On ajoute à la solution des molécules organiques tensio-actives (avec une tête hydrophile et une queue hydrophobe), qui s’organisent spontanément en micelles sphériques. Une fois le film inorganique polymérisé autour de ces micelles, un traitement thermique décompose les molécules organiques et il reste un film poreux nanostructuré. En trempant ce film dans une solution de précurseurs de l’ABP, on peut synthétiser l’ABP directement dans les «trous» et obtenir ainsi de petits plots d’ABP dont la taille et la répartition sont parfaitement contrôlées.

Nous avons ainsi pu réaliser un modèle de piste photomagnétique enregistrable, où nous avons observé comme prévu une augmentation de l’aimantation sous l’effet de la lumière. Il reste de nombreuses étapes à franchir pour en faire un moyen de stockage d’information pratique, comme de concevoir des têtes de lecture et d’écriture capables d’adresser individuellement chaque plot d’ABP, et d’augmenter la température de fonctionnement, idéalement jusqu’à la température ambiante.

*Depuis le XXe siècle, de nouvelles méthodes de synthèse et d’élaboration du verre sont apparues. Regroupées sous l’appellation générique « procédé sol-gel » ces techniques permettent d’obtenir des matériaux vitreux sans passer par l’étape de fusion.

CONTACTS :
Anne BLEUZEN et Giulia FORNASIERI
ICMMO – Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay, Equipe de Chimie inorganique (PSUD, CNRS) , anne.bleuzen@u-psud.fr, giulia.fornasieri@u-psud.fr

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