De leur énergie, dépendra la nôtre.

L’enseignement expérimental du Magistère de Physique vient de franchir une nouvelle étape avec l’installation de trois réacteurs dits HELICON. Ce projet s’inscrit dans la vocation du Magistère à former des étudiants à la recherche au niveau international.

Figure2. Photographie du réacteur Hélicon. Le plasma lumineux est visible par le hublot.

Figure2. Photographie du réacteur Hélicon. Le plasma lumineux est visible par le hublot.

La fusion thermonucléaire par confinement magnétique est l’une des options les plus prometteuses pour répondre au défi majeur d’une production d’énergie abondante et non polluante. Pour produire sur terre des conditions nécessaires aux réactions de fusion thermonucléaire, il faut créer un plasma, en l’occurrence un gaz ionisé très chaud, porté à quelques centaines de millions de degrés, et le confiner par des champs magnétiques très intenses. La structure magnétique de confinement actuellement la plus avancée est appelée «Tokamak». Le projet mondial ITER, qui prévoit la construction en France du plus grand Tokamak au monde, a pour objectif de démontrer la viabilité d’un tel concept. L’exploitation scientifique de cet équipement débutera vers 2015, après dix ans de construction, et se poursuivra sur au moins deux décennies.

La réalisation en France du projet ITER demande de sensibiliser et de former des physiciens et des ingénieurs spécialisés en physique des plasmas, et en particulier des plasmas de fusion thermonucléaire. D’où la création en 2007 d’un Master National des Sciences de la Fusion qui fédère l’Université de Paris-Sud 11 et plusieurs autres établissements : les Universités de Paris VI, de Marseille I, II, III, de Bordeaux I, de Nancy I, l’Ecole Polytechnique, l’Institut National Polytechnique de Lorraine et l’Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN/CEA). L’Université Paris-Sud 11 ne s’est pas seulement investie dans la création et le fonctionnement de ce Master, mais elle a mis récemment sur pied un nouvel enseignement expérimental en Magistère et Licence de Physique Fondamentale. L’objectif était de reproduire une expérience de laboratoire actuellement exploitée par des physiciens à l’Ecole Polytechnique et de l’adapter pour proposer aux étudiants un enseignement expérimental leur permettant d’aborder des problèmes physiques de pointe, comme celui du transport de matière dans un plasma magnétisé. Une telle démarche est ambitieuse mais se justifie par l’importance d’un projet tel qu’ITER : la formation proposée permet de sensibiliser les étudiants aux problématiques des plasmas thermonucléaires de type Tokamak.

Expériences, en cours
Les questions physiques et technologiques à résoudre par ITER sont de nature très diverses et font appel à de nombreux domaines de la physique et de la chimie. Citons par exemple : (i) le confinement par champ magnétique et le transport de matière turbulent, (ii) la stabilité de la configuration magnétique, (iii) l’extraction des particules et de la chaleur, ou encore (iv) l’entretien de la combustion thermonucléaire. Le premier point se situe au cÅ“ur du fonctionnement des Tokamaks : il est d’une importance fondamentale. Or la turbulence dans les plasmas de Tokamak partage certaines caractéristiques avec celle qui peut être observée dans des plasmas magnétisés beaucoup moins chauds et plus éloignés des conditions thermonucléaires. Il est par conséquent possible de concevoir des expériences de laboratoire beaucoup plus modestes permettant de simuler et résoudre certains aspects cruciaux de la physique des Tokamaks. Ce but a été atteint par l’élaboration d’enseignements expérimentaux où le plasma, froid et magnétisé, est généré dans un réacteur Hélicon.

Ces enseignements expérimentaux permettent d’enrichir et de compléter l’enseignement théorique et expérimental de physique des plasmas existant d’ores et déjà en Licence, Master et Magistère de Physique Fondamentale de l’Université Paris Sud. En effet, la configuration expérimentale proposée se caractérise par la présence d’une structure magnétique jouant un rôle primordial dans les processus physiques à étudier, les Travaux Pratiques existant jusqu’alors ne considérant que des plasmas non magnétisés.

Cette formation expérimentale sera à terme également proposée aux élèves des Grandes Ecoles d’ingénieurs de la région Île-de-France, et notamment de l’Ecole Polytechnique, ainsi qu’aux étudiants de différentes Spécialités de Master comme, par exemple, les Spécialités « Optique, Matière, Plasmas » et « Sciences de la Fusion ».

Figure1. Représentation shématique du dispositif expérimental.

Figure1. Représentation shématique du dispositif expérimental.


Trois réacteurs pour la formation

Pour permettre une exploitation souple accompagnée de perspectives de développement, trois réacteurs Hélicon ont été réalisés simultanément. A terme chacun d’entre eux pourra être équipé de spécificités supplémentaires en vue de moduler les thématiques de travail proposées aux étudiants et de les faire évoluer en conformité avec les progrès des recherches. Le financement des réacteurs a été possible grâce à l’association de l’Université de Paris Sud, de l’Ecole Polytechnique (Laboratoire de Physique et Technologie des Plasmas), et de l’INSTN, qui ont pu réunir les compétences et les 135 000 € nécessaires.
Chaque réacteur est constitué de deux chambres coaxiales de forme cylindrique, comme le montre la figure 1.  La chambre source, à la partie supérieure, est un tube en pyrex de 6.5 cm de rayon, autour duquel est disposée l’antenne « Boswell » qui assure le couplage avec la puissance radiofréquence, permettant l’allumage du plasma (figure 2). La boîte d’accord, constituée de deux condensateurs, est un adaptateur d’impédance qui permet d’ajuster la puissance transférée au plasma et de minimiser la puissance réfléchie au générateur. La chambre située à la partie inférieure contient le plasma où s’effectuent les mesures. Elle est constituée d’un cylindre d’aluminium de 16 cm de rayon, autour duquel sont disposées plusieurs ouvertures permettant l’installation de différents capteurs, l’introduction du gaz et de la sonde de Langmuir. Un hublot placé sur une des ouvertures permet d’observer le plasma et d’installer éventuellement un système de diagnostic optique.

Le confinement du plasma est assuré par un jeu de bobines qui créent un champ magnétique pouvant atteindre jusqu’à 10-2 T. Le vide poussé nécessaire au fonctionnement de l’ensemble nécessite l’emploi, dans la mesure du possible, de composants UHV (ultravide). Le pompage de l’enceinte (25 l) est réalisé au moyen d’une pompe à palettes (vide primaire) et d’une pompe turbo-moléculaire qui permet d’atteindre un vide de 10-4 Pa. La mesure de la pression est assurée par trois capteurs : une jauge de Pirani pour le vide primaire, une jauge à cathode froide pour la mesure du vide limite atteint et une jauge à capacité variable – baratron – dont la plage de mesure correspond à la pression utile en cours de manipulation en présence d’Argon (10 Pa). Le débit du gaz est contrôlé par un système de type Mass-Flow qui permet un réglage fin (cm3/mn).

Fig. 3. Photographie du plasma d’Argon à travers le hublot du réacteur Hélicon. Le plasma est rose-violet ; on distingue le translateur portant la sonde de Langmuir qui effectue les mesures.

Fig. 3. Photographie du plasma d’Argon à travers le hublot du réacteur Hélicon. Le plasma est rose-violet ; on distingue le translateur portant la sonde de Langmuir qui effectue les mesures.

La caractérisation du plasma est réalisée à l’aide d’une sonde de Langmuir composée d’un conducteur métallique qui collecte un courant en fonction de la tension de polarisation continue qui lui est appliquée. La sonde se déplace dans le plasma à l’aide d’un translateur (figure 3). Les valeurs  de courant et de tension mesurées à l’aide de multimètres numériques pilotés en GPIB – pour une pression du gaz dans l’enceinte, une puissance radiofréquence et un champ magnétique donnés – sont ensuite traitées grâce à un micro-ordinateur équipé d’un programme d’acquisition Labview. On en déduit les caractéristiques essentielles du plasma : la densité et la température des électrons. Pour quantifier la qualité du confinement magnétique dans un Tokamak il est nécessaire de mesurer les profils radiaux de densité électronique du plasma le long du rayon de la chambre torique. Les coefficients de transport sont alors déterminés par la résolution des équations fluides de transport contraintes par les profils de densité mesurés. Les plasmas de fusion étant trop chauds pour tolérer l’intrusion d’éléments matériels, les mesures de densité sont de nature optique (interférométrie, réflectométrie, diffusion Thomson, etc.). Dans les Travaux Pratiques considérés ici, les mesures sont effectuées par des sondes électrostatiques de Langmuir. Néanmoins la même méthodologie est appliquée, à savoir la mesure des profils de densité pour la détermination des coefficients de transport.

Le but principal des enseignements expérimentaux est de mettre en évidence et de caractériser le phénomène de confinement du plasma en fonction de l’intensité du champ magnétique appliqué, en mesurant des profils de densité électronique sous diverses conditions physiques fixées dépendant notamment de la pression d’Argon et de la puissance radiofréquence. Un modèle théorique de diffusion permet alors d’interpréter les données expérimentales et de déterminer les coefficients de transport à l’intérieur de la chambre de diffusion du réacteur Hélicon.

La réalisation des trois réacteurs Hélicon ouvre une ère nouvelle dans le domaine de des enseignements expérimentaux. Elle permet en effet aux étudiants de travailler sur une expérience très évoluée sur le plan scientifique et technique qui, au lieu de leur proposer l’étude et l’approfondissement de sujets déjà largement connus, les confronte à des problématiques physiques d’importance et de portée majeures dont les avancées sont cruciales, aujourd’hui et dans les décennies à venir.

Le Magistère tient à remercier les nombreuses personnes qui ont contribué à la réalisation de ces montages : L.Turpin (INSTN), C.Krafft, J.M.Rax, L.Liard  (UPS 11/X), P.Chabert, J.Guillon (X), J.Rémond, D.Masson, J.Marot, C.Lafarge, A.Cordier (Magistère), ainsi que différents fournisseurs qui ont accepté des conditions permettant de respecter le budget prévu.

Contact

Jean REMOND, Faculté des Sciences d’Orsay, Université de Paris-Sud 11,
jean-remond@u-psud.fr
Catherine KRAFFT, Laboratoire de Physique des Plasmas, Ecole Polytechnique, Université de Paris-Sud 11, catherine.krafft@u-psud.fr

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