Le parcours d’une belle plante

C’est Christophe Colomb qui a introduit le maïs en Europe, en 1493, à la suite de son second voyage dans les Caraïbes. Les progrès réalisés depuis les années 1990 dans le domaine du marquage moléculaire permettent aux généticiens de mieux comprendre les étapes successives qui ont abouti à la diversité actuelle des espèces.

Variétés de maïs. ©WIKIPEDIA

Le maïs est la première céréale mondiale pour la production, et la seule initialement domestiquée en Amérique. L’ancêtre du maïs, la téosinte, est une plante sauvage fortement ramifiée porteuse de quelques grains, très différente du maïs que nous connaissons à l’heure actuelle. L’homme est intervenu directement sur la diversification de ce végétal par la sélection mais aussi en favorisant la migration des populations. Le maïs, à l’origine une plante tropicale domestiquée sur des hauts plateaux mexicains, a migré vers des régions froides et des climats tropicaux de basse altitude en bord de mer. Ceci reflète une diversification spectaculaire en termes d’adaptation climatique. A l’heure actuelle, la biodiversité du maïs composée par les plantes sauvages, les espèces cultivées et les espèces anciennes est analysée dans le but de déterminer les caractères impliqués dans son adaptation. Les méthodes de sélection pourront ainsi être optimisées pour mieux répondre aux enjeux agronomiques et environnementaux en débat actuellement.

Diversité génétique des variétés traditionnelles

La description de la diversité des variétés de maïs en Europe et la comparaison à celle du continent américain permettra de comprendre l’évolution des populations de maïs à partir du maïs domestiqué initialement au Mexique. Grâce à des « marqueurs » génétiques, des allèles neutres, c’est-à-dire des allèles de gènes sans effet direct sur le caractère étudié, peuvent être identifiés. Chaque variété de maïs possède un « profil allélique » propre, ce qui permet de suivre les filiations en fonction de la répartition géographique. Il s’agit d’une technique intéressante pour faire apparaitre rapidement certaines similarités. On trouve en gros une grande ligne de démarcation entre l’Europe et l’Amérique. Néanmoins, des fortes similarités entre des populations de chaque continent peuvent être observées. La ressemblance entre les maïs du sud de l’Espagne et des variétés des Caraïbes permet de voir la trace de l’introduction de ces premières variétés par Christophe Colomb lors de son premier voyage en 1493. Les maïs précoces, c’est-à-dire qui n’ont pas besoin de beaucoup de chaleur pour fleurir, dans le nord de l’Europe sont similaires à ceux cultivés au nord du continent américain. Cette stratégie a permis par ailleurs d’identifier un pool européen original cultivé dans les Pyrénées qui ne semblait pas avoir de contrepartie sur le continent américain.

Selon une autre approche, l’analyse en composantes principales, on retrouve le pool européen original de maïs dans les Pyrénées. Mais cette technique permet de mettre en évidence une combinaison d’allèles de deux  origines américaines connues, ce qui mène à l’hypothèse d’une hybridation ancienne. La collaboration avec M. Chastanet, historienne des plantes cultivées, a permis de montrer qu’un des allèles du maïs des Pyrénées identifié par analyse en composantes principales, était déjà largement répandu en Allemagne en 1539. L’apparition de nouvelles variétés comme le maïs des Pyrénées peut être donc le résultat d’un processus de migration/adaptation de deux variétés introduites consécutivement. Par conséquent la diversité de maïs Européenne est un sous ensemble de celle observée   en Amérique. De plus, ces introductions consécutives peuvent être expliquées d’un point de vue historique.

Pas d’adaptation sans gène

Grâce à des marqueurs neutres nous pouvons tracer les grandes lignes de la migration et de l’adaptation des variétés de maïs. Mais cela ne nous renseigne pas sur les gènes impliqués dans cette adaptation. La stratégie du quantitative trait loci est alors utilisée: le croisement d’individus homozygotes permet d’obtenir des lignées qui auront pour un chromosome donné un patchwork de segments chromosomiques parentaux. A partir de la caractérisation phénotypique des lignées obtenues, on peut faire correspondre les caractères adaptatifs observés et les segments chromosomiques. Par exemple, une carte des principales régions des chromosomes du maïs affectant la précocité de floraison a pu être dégagée. Par ailleurs, la même région de différentes lignées anciennes non
apparentées spécifiquement choisies pour ce type d’étude peut être séquencée et comparée. Ceci permet de mettre en évidence des segments qui se  ressemblent, appelés des blocs haplotypiques. Les variations de séquence dans les blocs haplotypiques sont appelées polymorphismes. Des tests statistiques sont ensuite conduits pour voir si ce polymorphisme est associé de façon significative à la variation du caractère étudié. Dans l’étude de la floraison précoce, plusieurs polymorphismes apparaissent extrêmement liés à la variation de ce caractère. On peut ainsi faire un diagnostic des polymorphismes identifiés en fonction de la localisation géographique des variétés de maïs. Curieusement l’allèle associé à la floraison précoce était déjà fréquent dans les hauts plateaux mexicains. Et avec la diffusion du maïs vers le nord du continent américain il y a eu prédominance des formes précoces, qu’on retrouve dans le nord de l’Europe. Cette forme de floraison précoce a été largement supprimée dans le sud de l’Espagne et avec la migration du maïs vers les régions très chaudes, cet allèle précoce a été complètement éradiqué.

En conclusion, la diversité des maïs pourrait être étudiée par des techniques d’association de polymorphismes à la suite du séquençage de génomes entiers de plantes comme cela est déjà fait en génétique humaine. Cela permettrait d’identifier rapidement des allèles impliqués dans l’adaptation. Et, une fois connus, ces allèles pourraient être assemblés de façon contrôlée lors de la sélection, à l’origine de plantes mieux adaptées aux conditions agronomiques et environnementales.

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