Baby Boom!

Trois questions… à René Frydman, Professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH), Professeur à la Faculté de médecine du Kremlin-Bicêtre et Chef du service gynécologie obstétrique – médecine de la reproduction à l’Hôpital Antoine Béclère.

Une nouvelle révolution est en marche en matière de procréation médicalement assistée. Les premiers enfants nés en France après congélation d’ovules ont vu le jour le 2 novembre dernier dans le service de l’Hôpital Béclère dirigé par le professeur René Frydman. La naissance de ces deux jumeaux qui devrait redonner espoir aux femmes stériles ou même à toutes celles qui souhaitent maîtriser leur horloge biologique, intervient au moment de la révision des lois de bioéthique, qui seront l’occasion de réflexions notamment sur les nouvelles méthodes de procréation assistée.

© M. LECOMPT

La technique de congélation n’est pas en soi une nouveauté. La congélation des spermatozoïdes est pratiquée depuis les années 70, celle des embryons depuis les années 90. D’ailleurs la première naissance d’enfants nés issus d’embryons congelés s’était déjà faite à Antoine Béclère en 1986. La congélation d’ovocyte était la dernière étape. Nous avions à l’hôpital, des patientes jeunes, victimes d’un cancer qui nécessite un traitement de chimiothérapie qui va détruire leurs ovaires. J’ai donc cherché une solution pour préserver leur fertilité. J’ai finalement choisi de tester la technique de congélation lente. Je l’ai proposé comme un atout supplémentaire à des femmes déjà en cours de traitement de fécondation in vitro. Cela a finalement été un succès et nous avons encore trois grossesses en cours. Cela étant, il faut avoir conscience que ce n’est pas la meilleur méthode. La technique la plus performante est celle de la congélation rapide aussi appelée vitrification qui a prouvé son efficacité dans de nombreux autres pays. Elle est malheureusement interdite en France où elle est assimilée à de la recherche sur l’embryon.

Attendez-vous que la révision de la loi de bioéthique lève cette interdiction ?

Ce que j’attends, c’est une clarification de la situation juridique de l’embryon. Concrètement en France, la vitrification est interdite parce que c’est une méthode nouvelle et qu’elle est de ce fait assimilée à de la recherche fondamentale. C’est une absurdité totale qui condamne toute avancée et toute innovation en matière de procréation assistée. Cette interprétation de la loi est aberrante puisqu’elle nous interdit en somme d’améliorer nos techniques. J’espère donc que la révision de la loi de bioéthique permettra de séparer ce qui est de l’ordre de la recherche clinique avec un projet parental au bout et ce qui est de l’ordre de la recherche fondamentale. Si ce point est clarifié alors toutes les techniques de congélation d’ovocytes seront autorisées, ce qui sera une bonne chose. Cela va permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la pratique de la fécondation in vivo. Cela va par exemple permettre de diminuer le nombre d’embryons conservés. En effet avec la loi actuelle, comme seuls les ovocytes frais peuvent être utilisés pour l’aide médicale à la procréation, on est obligé d’augmenter le nombre  d’embryons congelés. Autre source d’amélioration, celle du don d’ovocyte qui marche très mal en France. Plus généralement, la révision de la loi nous offre l’opportunité d’ouvrir la discussion sur les questions liées à la préservation de la fertilité. Les femmes savent qu’elles ont une horloge biologique incontournable. Or si à 35 ans elles n’ont toujours pas trouvé le Prince Charmant, pourquoi n’aurait-elle pas le droit de préserver leur fertilité ?

Le prix Nobel de médecine 2010 a été attribué au Britannique Robert Edwards, père de la fécondation in vitro. Est-ce à votre avis le signe que les mentalités sont en train d’évoluer ?

Je ressors justement d’une audition devant la commission parlementaire chargée de la révision de la loi de bioéthique. Je ne peux pas préjuger de l’issue des  débats mais il me semble effectivement, que les mentalités ont quand même beaucoup évolué. Dans ce contexte, le prix Nobel décerné à Edwards est bien une mise en lumière et une reconnaissance de ce domaine de la médecine et de la biologie de la reproduction. J’espère que cela va nous aider à sortir de cette ambiance un peu sulfureuse qui consiste à sous-entendre en permanence que trente six mille dérives sont prêtes à surgir. Je pense qu’il faut bien distinguer d’une part ce qui est la recherche, caractérisée par le fait que l’on ne sait jamais à l’avance ce que l’on va trouver et d’autre part les applications de cette  recherche, qui peuvent en revanche être limitées et cadrées comme cela se passe à l’heure actuelle. Nous devons poursuivre nos recherches pour améliorer l’efficacité de nos méthodes, mieux comprendre les mécanismes de malformations, le phénomène de la ménopause… Bref, nous avons encore des progrès à accomplir.

Révision des lois de bioéthique

Comment concilier progrès médical et éthique ? Anonymat des donneurs de gamètes, recours aux mères porteuses, recherche sur l’embryon ; autant de questions auxquelles la loi doit aujourd’hui donner des réponses. Les dernières révisions des lois de bioéthique dataient de 1994 et de 2004. Le projet de révision de la loi doit être soumis au parlement au mois de février 2011. Les évolutions proposées vont s’appuyer sur les synthèses du vaste débat public organisé notamment dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique qui se sont tenus tout au long de l’année 2009, ainsi que sur les avis de différentes institutions telles que le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil d’Etat ou l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Pour l’essentiel, la nouvelle version de la loi ne devrait pas bouleverser les principes établis par les textes précédents.

René Frydman en quelques dates

1943 : Naissance à Soumoulou (Pyrénées-Atlantiques).
1971 : Participe à la création de Médecins sans frontières, avec Bernard Kouchner.
1974 : Arrivée à l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, dans le service du Pr Emile Papiernik.
1979 : Agrégation de médecine.
1982 : Met au monde Amandine, premier bébé français issu de la fécondation in vitro.
1986-1990 : Membre du Comité consultatif national d’éthique.
1986 : Met au monde le premier bébé issu d’un embryon congelé.
1990 : Chef du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Antoine-Béclère.
2000 : Première naissance après un diagnostic préimplantatoire.
2003 : Naissance du premier bébé français issu de la maturation in vitro.

Propos recueillis par Gaëlle Degrez

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