L’été dernier à Hyderâbâd !

L’une des quatre médailles Fields 2010, la plus prestigieuse distinction en mathématiques, a été décernée en septembre dernier à Ngô Bào Châu, Professeur de l’Université Paris-Sud au Laboratoire de mathématiques d’Orsay (Université Paris-Sud / CNRS), actuellement détaché à l’Université de Chicago. Une récompense pour sa démonstration du « Lemme fondamental ».

© Université Hyderâbâd , Inde

Jeudi 19 aout dans la salle principale du Centre des congrès d’Hyderâbâd, une métropole du sud de l’Inde, Ngô Bào Châu est le second lauréat* à monter sur l’estrade pour recevoir sa récompense des mains de la Présidente de la République indienne, Madame Pratibha Patil. L’annonce de cette distinction n’a pas vraiment surpris les initiés. Ngô était d’ailleurs invité comme conférencier plénier à cette édition 2010 du Congrès International des Mathématiciens (ICM) qui réunit tous les quatre ans, les plus grands experts de cette discipline, venus des quatre coins du globe**. Le « lemme fondamental » Ngô Bào Châu a reçu la médaille pour « sa démonstration du lemme fondamental de la théorie des formes automorphes menée grâce à l’introduction de nouvelles méthodes algébrico-géométriques » selon les termes du comité Fields. Son domaine, la géométrie algébrique et plus précisément l’étude des formes automorphes, des objets de nature analytique inventés par Henri Poincaré, est auréolé d’une réputation à la fois fascinante et redoutable par son abstraction. Les travaux de Ngô s’inscrivent au sein d’un grand édifice des mathématiques contemporaines : le programme de Langlands, un domaine de recherche initié par le canadien Robert Langlands dans le milieu des années 1960, qui cherchait à unifier plusieursthéories mathématiques appartenant à la géométrie, à la théorie des nombres et à l’analyse. La vision de Langlands était une sorte de pont franchissant un fossé qui séparait les mathématiques depuis l’époque d’Euclide : la division entre continuum et multitude. Ce programme très général est un vivier de belles conjectures très profondes et fécondes. Il a engendré des bataillons de mathématiciens primés : Médailles Fields, Prix de recherche Clay, pour ne citer que les plus prestigieux. En 1979, Langlands avait présenté le lemme fondamental comme étant la pierre d’achoppement de toute une partie de son programme, la partie endoscopique. A cette époque il était convaincu que la démonstration du lemme n’était qu’une question de temps. Mais personne n’arrivant à le démontrer, les mathématiciens s’en sont un peu détournés et ont commencé par en tirer les conséquences, en le supposant vrai. C’est donc tout un pan du programme de Langlands qui reposait sur quelque chose qui n’avait jamais pu être démontré. Et c’est finalement Ngô Bào Châu qui viendra à bout du problème. Au début de l’année 2008, le jeune mathématicien donne une démonstration du « Lemme fondamental » dans un article de 150 pages qui mettra deux ans à être vérifié et validé. Le Congrès International des Mathématiciens 2010 s’est achevé le 27 août. La Corée a été choisie pour organiser la prochaine édition. Rendez-vous donc à Séoul pour l’ICM 2014 !

* Ont également reçu la médaille Fields 2010 : Cédric Villani, professeur à l’École normale supérieure de Lyon et directeur de l’Institut Henri Poincaré à Paris (CNRS / UPMC), Elon Lindenstrauss, professeur à l’Université Hébraïque de Jérusalem, et Stanislav Smirnov, de l’Université de Genève.
** Parmi les 22 conférenciers français invités (un score qui place la France en deuxième position derrière les Etats-Unis), 13 ont soutenu une thèse ou une habilitation.

ET DE QUATRE !

© WIKIMEDIA COMMONS

Cette distinction est la quatrième médaille Fields attribuée à un mathématicien issu du Laboratoire de mathématiques d’Orsay (Université Paris-Sud / CNRS) avec Jean-Christophe Yoccoz (1994), Laurent Lafforgue (2002) et Wendelin Werner (2006).

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