Ngô de A à Z

A COMME ARTICLE

C’est au début de l’année 2008, que Ngô Bào Châu présente sa démonstration du « Lemme fondamental » dans un article comptant pas moins de 169 pages publié dans la revue de l’IHES. Ces travaux ont été cités dans le magazine Time de décembre 2009 comme l’une des 10 plus belles découvertes scientifiques de l’année.

F COMME FONDAMENTAL

Le cas général du lemme fondamental a été présenté comme une conjecture en 1987. Tel qu’il est énoncé, ce lemme est une égalité entre deux nombres définis par des intégrales explicites mais compliquées. Problème : personne ne sait calculer ces intégrales sauf dans quelques cas particuliers. Longtemps, les mathématiciens ont pensé contourner cette difficulté grâce à une méthode combinatoire qui effectivement a permis, de résoudre certains cas. Pour le cas général, Ngô Bào Châu a dû faire appel à d’autres types d’outils.

G COMME GÉRARD LAUMON

© DR

Gérard Laumon a fait toute sa carrière au Laboratoire de mathématiques d’Orsay où il est arrivé en 1989. Son principal domaine de recherche  est la géométrie algébrique, avec ses applications à l’étude des variétés de Drinfeld et de Shimura ainsi qu’au programme de Langlands. Il est peut-être l’un des rares professeurs au monde dont deux étudiants ont été récompensés par lamédaille Fields (Laurent Lafforgue en 2002 et Ngô Bào Châu en 2010).

L COMME LEMME

Un lemme est en général un résultat intermédiaire dans la démonstration d’un théorème ou la construction d’une théorie. C’est d’ailleurs comme cela que Robert Langlands présentait en 1979, le problème qui allait tenir en haleine tant de mathématiciens chevronnés, dans un cours qu’il faisait à l’Ecole Normale de jeunes filles de Sèvres et dont sera issu un de ses ouvrages. A l’époque, il pense que ce lemme est très technique et de nature combinatoire mais qu’il est accessible et qu’il sera démontré prochainement. Cependant, cet énoncé apparait aussi comme « fondamental » car il est la clé de toute une partie du programme de Langlands, la partie dite « endoscopique ». C’est certainement la première fois, qu’une récompense aussi prestigieuse est attribuée à la démonstration d’un « lemme ».

N COMME NGÔ

© M. LECOMPT

Ngô Bào Châu est né le 28 juin 1972 à Hanoi, au Vietnam et a acquis la nationalité française en février 2010. Son père, Ngô Huy Càn, est un physicien et sa mère est médecin. À l’âge de quinze ans, il est admis en classe de mathématiques au lycée spécialisé de l’Université nationale du Vietnam. Il commence à apprendre le hongrois, dans le but d’aller à Budapest après le lycée, mais la chute du mur de Berlin en 1989, remet en cause ce projet, le nouveau gouvernement hongrois suspendant les bourses d’étude accordées aux étudiants vietnamiens. Il obtient alors une bourse du gouvernement français pour étudier à l’université Pierre et Marie Curie. Il est admis au magistère de l’Ecole normale supérieure en 1990. Après avoir brillamment passé son DEA à l’Université Paris-Sud en 1993 sous la direction de Gérard Laumon, il obtient son doctorat en 1997, toujours sous la direction de Gérard Laumon. Il rentre dans la foulée au CNRS comme chargé de recherche, affecté au laboratoire LAGA de l’Université Paris 13. Il soutient son habilitation à diriger des recherches (HDR) en 2003 et choisit un poste de professeur à l’Université Paris-Sud en 2004. La même année, il obtient le titre de professeur de mathématiques au Vietnam. Établir des liens de coopération avec le Vietnam est pour lui une préoccupation constante depuis le début de sa carrière. En 2007, il est détaché à l’Institute for Advanced Study de l’Université de Princeton avant de rejoindre l’université de Chicago au mois de septembre 2010.

O COMME OLYMPIADES DE MATHÉMATIQUES

Au lycée, Ngô Bào Châu a intégré une classe réservée aux élèves doués pour les mathématiques et l’informatique de l’Ecole Supérieure des sciences naturelles. En 1988, en classe de première, il décroche la médaille d’or des Olympiades internationales de mathématiques à Canberra. Avec en prime la note maximale : 42/42. Un an plus tard, en terminale, il remporte à nouveau la médaille d’or de ce concours, à Brunswick (Allemagne). Etant le premier élève vietnamien à obtenir deux médailles d’or aux olympiades, Ngô aura l’honneur d’être reçu à son retour au pays par Dô Muoi, président du Conseil des Ministres d’alors.

P COMME PROGRAMME DE LANGLANDS

À la fin des années 1960, le mathématicien canadien Robert Langlands formula un vaste programme de recherche unifiant trois sujets a priori différents : théorie des nombres, fonctions automorphes* et théorie des représentations. Un des aspects de ce programme était l’existence d’un lien supposé (les mathématiciens parlent alors de conjecture) entre fonctions automorphes (fonctions présentant certaines propriétés de symétrie) associées à des groupes différents – ce qu’on appelle « fonctorialité ». Dans un article de Langlands et du mathématicien français Jean-Pierre Labesse paru en 1979, un cas particulier de la fonctorialité fut démontré. Puis les idées de Langlands se précisèrent, aboutissant à une conjecture précise dénommée « Lemme fondamental », formulée avec la  mathématicienne d’origine australienne Diana Shelstad dans un article paru en 1987.
* À partir de la fin du XIXe siècle, l’étude des fonctions « modulaires » ou automorphes, par Henri Poincaré et d’autres, s’est imposée comme un domaine majeur des mathématiques, avec des applications à la théorie des nombres.

T COMME THÉORÈME DE FERMAT

© DR

Les travaux de Ngô Bào Châu portent sur une branche du domaine général de théorie des nombres entiers, dans laquelle sont étudiées les propriétés de divisibilité des nombres entiers. On peut mentionner dans ce domaine, le fameux « théorème de Fermat », qui stipule qu’il n’y a pas de solution non nulle entière à l’équation : xn + yn = zn pour n entier supérieur ou égal à 3 et dont la résolution a demandé plus de trois siècles d’efforts avant que le mathématicien anglais Andrew Wiles n’en donne une démonstration en 1994.

V COMME VIETNAM

Ngô Bào Châu est né en 1972 pendant la guerre qui opposait le Vietnam du Nord et ses alliés du Viêt-Cong aux États-Unis. C’est au printemps 1975 que la guerre se termina par le départ des troupes américaines, mettant ainsi un point final à presque 30 ans de guerre de libération coloniale et postcoloniale. À elle seule, la guerre contre les États-Unis avait fait des millions de victimes civiles et militaires. Ngô Bào Châu a donc grandi pendant que le Vietnam, réunifié après le départ des troupes américaines, se reconstruisait. Depuis la fin des années 80, le pays connait un développement économique important, à l’instar de son grand voisin, la Chine.

Z COMME ZOOM

© DR

Zoom sur le logo du Congrès International de Mathématiques 2010 sur lequel on peut lire la phrase suivante en sanskrit : Aano bhadrah kratavo yantivishvatah, ce qui signifie « Laissons les nobles pensées venir de toutes les directions ».

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